Le risque immatériel créé par la mise en cause pénale de l’entreprise et de ses dirigeants

Lors de mes formations aux dirigeants sur la prévention du risque pénal dans l’entreprise, j’ai l’habitude de dire qu’aux sanctions prévues par le code pénal, privation de liberté, amende et peines complémentaires, s’ajoute un risque immatériel souvent très lourd de conséquence mais non prévu par le code pénal, l’atteinte à la réputation. En effet, le mot pénal est immanquablement associé à la délinquance de droit commun voire à la prison.

Or tous les jours des entreprises et des dirigeants sont condamnés pénalement y compris de très grandes entreprises comme en juin 2021 IKEA et son directeur général pour avoir espionné leurs salariés, ou en 2019 France Telecom devenue Orange et plusieurs dirigeants pour harcèlement moral, et la banque UBS et ses dirigeants pour blanchiment de fraude fiscale et démarchage illicite. Ces deux dernières entreprises ont fait appel mais en termes de réputation le mal est fait : même si la cour d’appel infirme les décisions de première instance, ce sera plus de deux ans après et l’impact positif de l’arrêt d’appel souvent peu relayé médiatiquement s’avèrera insuffisant pour faire disparaître la mauvaise réputation créée par le jugement de première instance.

Même avant tout jugement, le mot pénal peut entacher la réputation des entreprises et de leurs dirigeants : il suffit qu’une information sur une perquisition au siège d’une entreprise ou le placement en garde à vue d’un dirigeant tourne en boucle sur les réseaux sociaux et les chaines d’information en continue pour que leur réputation soit durablement abimée. Or une perquisition ou une garde à vue sont des actes d’enquête qui ne présument pas de la culpabilité d’une personne physique ou morale et toutes les enquêtes ne se terminent pas par un renvoi devant un tribunal correctionnel mais peuvent se clôturer par un classement sans suite ou un non-lieu … ce qui intéresse beaucoup moins les médias !

Pour minimiser ce risque immatériel, il faut pouvoir agir avant, pendant et après sa survenance.

Avant, la priorité est la prévention qui passe par trois étapes : identifier d’abord les 3 ou 4 infractions pénales qui représentent 80% du risque pénal de l’entreprise en fonction de son activité et de son organisation et en déduire des plans de prévention adaptés, puis mettre en place des délégations de pouvoirs, et enfin former le personnel exposé aux principaux risques identifiés.

Si néanmoins le risque se produit et qu’une enquête ou un procès a lieu, ce sont des actions de communication de crise qui peuvent s’avérer nécessaires. Les avocats en pénal des affaires sont de bons conseils mais l’appui d’un cabinet de communication spécialisé dans ce domaine est souvent utile pendant l’enquête ou le procès.

Enfin, une fois l’enquête ou le procès terminé, il faut contre-attaquer après une décision de classement ou de relaxe en accentuant la communication de cette « bonne nouvelle » pour rétablir la réputation entachée. Et, si une faute lourde des services de la justice peut être caractérisée, la loi (1) permet d’assigner l’État pour demander réparation du préjudice subi. Jean-Michel Baylet, patron de presse et homme politique, a ainsi fait condamner l’État en janvier 2015 pour une procédure qui a duré près de 10 ans dans laquelle il a été successivement mis en examen, renvoyé devant un tribunal et finalement relaxé. Il s’est dit qu’il n’avait pas été nommé ministre à cause de cette mise en examen…

(1) Article 141-1 du code de l’organisation judiciaire : « L’État est tenu de réparer le dommage causé par le fonctionnement défectueux du service public de la justice. Sauf dispositions particulières, cette responsabilité n’est engagée que par une faute lourde ou par un déni de justice».

 

 

François Mazon, Avocat

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