Le portefeuille clients, un risque immatériel à canaliser
La gestion du risque client dans l’entreprise est du ressort du crédit manager, une fonction présente dans la plupart des ETI et des grands comptes. Dans les PME et les structures plus réduites, la direction financière, l’éventuel trésorier, voire le directeur commercial ou le responsable de la comptabilité. Et bien sûr, le chef d’entreprise se doit de structurer la démarche.
Le danger encouru à cause d’un retard ou d’un défaut de paiement n’est pas, loin s’en faut, la priorité de l’entrepreneur au lancement de son activité. Il pense naturellement à se structurer rapidement avec une direction commerciale pour organiser le développement du business et la conquête, et avec une comptabilité – éventuellement externalisée – pour éditer les factures et effectuer les relances. Mais ces trois entités ont de telles autres urgences opérationnelles qu’elles abordent rarement, et encore moins en les partageant, les problématiques de risque client. Et pourtant…
Les besoins apparaissent donc lors d’un premier incident. La découverte des conséquences éventuelles d’un retard, voire d’un défaut de paiement se vit généralement dans la douleur. Force est aussi de constater que la surprise est d’autant plus grande que les habituels conseillers des créateurs d’entreprise (banquiers, chambres consulaires, cabinets d’expertise-comptable) ont d’autres priorités.
Et pourtant, ce sujet est important. Surtout quand on sait que 25 % des quelques 50 000 défaillances d’entreprises annuelles en France (en moyenne) ont pour origine, chaque année, des factures impayées. Mais parfois, les retards de paiement qui s’accumulent ont aussi un effet désastreux sur la trésorerie de l’entreprise, même en croissance, ce qui peut l’amener à demander des facilités de trésorerie à son banquier et à devoir en payer les frais afférents.
Créateur d’entreprise, le premier de cordée
Sur le chemin de la structuration d’une véritable stratégie de gestion du risque client, c’est bien sûr le chef d’entreprise qui agira le premier, chronologiquement. Parce qu’il est sur tous les fronts, souvent seul au début. Concentré sur le développement de son chiffre d’affaires, il ne met en place que progressivement son service comptable, préférant même l’externaliser au départ ou utiliser des logiciels de gestion en mode SAAS. C’est lui qui gère les retards de paiement de ses clients, parfois en se rapprochant de son expert-comptable, qui peut lui conseiller d’utiliser les services de sociétés spécialisées en recouvrement de créances. Son banquier lui proposera des solutions de type « Factor », qui permettent le rachat de créances mais avec un impact finalement assez limité : ces rachats ne concernent que les clients déjà connus, acceptés par la banque qui de toute façon se retourne vers le créancier si elle ne parvient pas à recouvrer la créance.
La comptabilité, le début de la structuration
C’est avec la création d’un service comptable interne qu’apparaissent les premières briques d’une gestion structurée du risque client. Le professionnel va vouloir mettre en place des outils de suivi des factures en cours, puis de relance automatique. Il peut également établir des indicateurs et des statistiques qui lui permettront d’anticiper sur les dérives. Avec l’aide de l’expert-comptable qui travaille pour la société, il commence également à organiser une veille – légère – sur les événements affectant la vie des sociétés clientes – suivi des procédures de dépôt de bilan par exemple.
Une responsabilité qui se partage
En grandissant, l’entreprise structure ses forces commerciales et nomme à leur tête une direction. Il en va de même pour la direction financière qui va, peut-être, se doter aussi d’une fonction trésorerie, au fur et à mesure que s’éclaire le BFR, ainsi que les besoins en cash management entre entités du groupe.
Dans cette étape de la vie de l’entreprise, la gestion du risque client devient une préoccupation partagée, à la fois par les équipes de ventes qui peuvent dans certains cas être intéressées sur le paiement final de leurs clients, la direction financière qui souhaite limiter les recours aux prêts bancaires, et le trésorier qui apprécie de disposer de fonds à faire travailler.
En même temps, cette responsabilité reste diluée tant qu’un credit manager n’est pas nommé. Son rattachement hiérarchique se fait généralement à la direction financière, mais le parcours du candidat, ou l’histoire de l’entreprise peuvent aussi amener à un positionnement plus intermédiaire, entre la DAF et la direction commerciale.
Le credit manager, une femme ou un homme de projet à plus d’un titre
Dans tous les cas, le credit manager est une femme ou un homme de projet. D’abord parce qu’il lui revient la responsabilité de structurer, avec les différents métiers concernés, la chaîne complète qui va de la recherche du client jusqu’à l’encaissement d’une facture, en passant par les étapes d’analyse du risque, de dématérialisation des chaînes de facturation, de relances automatiques ou encore de recouvrement. Aujourd’hui largement dématérialisés, ces processus s’appuient par exemple sur des partenariats avec les sociétés membres de la FIGEC, (Fédération Nationale de l’Information d’Entreprise, de la Gestion de Créances et de l’Enquête Civile – https://www.figec.com/) qui fournissent des scorings élaborés sur les clients potentiels, remontent des alertes sur les incidents les affectant, organise la médiation financière et peuvent aller jusqu’à gérer les contentieux.
Le credit manager suit également l’actualité réglementaire, qui a été riche ces dernières années sur le front des conditions de règlement des factures.
Mais surtout il est, au quotidien, amené à prendre des décisions, une fois le risque connu, sur des affaires qui engagent l’entreprise auprès de ses clients. Ce faisant il est directement contributeur au développement de l’activité, y compris à l’international avec l’aide là-aussi des entreprises de la FIGEC qui disposent des bases de données adéquates.
Un sujet éminemment transversal
La constitution et l’animation d’un comité de crédit concrétise la transversalité du sujet – en même temps que la maturité de l’entreprise -, qui continue d’impliquer aussi bien la direction commerciale que la direction financière et la direction générale. Le crédit manager en est le pivot : il est alors amené à éclairer les décisions de l’ensemble de ces acteurs de la réussite de l’entreprise, en exposant les risques, mais en sachant également en prendre.