La gestion du risque immatériel comme bonne pratique financière
Derrière les risques financiers auxquels font face les entreprises se cachent bien souvent des risques immatériels, liés à des effets de réputation, à une mauvaise connaissance du marché ou à une mauvaise gouvernance interne. Bien prendre en charge ces risques immatériels sur le long terme est ainsi la meilleure manière d’éviter de gérer dans l’urgence des risques financiers qui conduisent presque toujours à des pertes. Mieux le risque est identifié en amont et plus les conséquences financières seront raisonnables et le passage en perte limité. Ainsi, les risques financiers ne sont en quelque sortes que la matérialisation d’un risque immatériel mal pris en charge.
Les risques financiers auxquels font face les entreprises sont bien connus. Les professionnels de risques les classent en quatre grandes catégories. Le plus évident est le risque de crédit, ou de contrepartie, c’est-à-dire le risque de pertes financières liée à l’insolvabilité d’un tiers. C’est aussi tout l’enjeu de la question des délais de paiement, qui se sont rallongés avec l’actuelle crise COVID-19. Le retard moyen est désormais de 13 jours. C’est treize de trop pour la trésorerie de beaucoup de petites structures. Dans ce cas précis, on parle de risque de liquidité. Par ailleurs, les plus grandes entreprises peuvent faire face à des risques de marché, notamment si elles sont exposées à l’international. A ces risques très techniques s’ajoutent les risques opérationnels ou de fraude qui s’accroissent avec la taille de l’entreprise.
Tous ces risques peuvent paraitre bien abstraits et donc réservés au public de spécialistes des directions financières et des cabinets de conseil. On pourrait se contenter de cette situation si leurs conséquences n’étaient si grave. En effet, ils peuvent mener à la disparition pure et simple de l’entreprise. Or, derrière une question financière d’apparence complexe se cache bien souvent un risque immatériel qui peut être identifié et neutralisé à la source par un manager vigilant. Il en va notamment ainsi des problèmes de trésorerie qui peuvent être limités grâce à une meilleure analyse de la réputation des agents économiques en présence sur un marché. Dans le sens inverse, un contrôle soigneux de son image de marque limite les risques de déséquilibre du bilan lié à une chute de revenus commerciaux sans rapport avec la qualité des produits proposés. La logique est la même en matière de cybersécurité et de protection de données ou de suivi de la réglementation. De même une prise en charge rapide des mauvais payeurs par une direction du recouvrement efficace évitera bien des problèmes financiers. Une protection de long terme contre ces risques immatériels évite ainsi à une entreprise de prendre en charge des risques qu’il faut souvent régler dans l’urgence et aboutissent nécessairement à des pertes directes. Mieux prendre en compte le risque immatériel, le plus en amont possible, est donc une excellente pratique financière.
Adrien Lehman, enseignant en économie à Sciences Po et research fellow « systèmes financiers » de l’institut Open Diplomacy
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