Droit immatériel : nouvel obstacle à l’obtention d’identification sur internet sur requête

Victime de tweets diffamatoires et injurieux, une société avait obtenu sur le fondement de l’article 145 du Code de procédure civile notamment, que le Président du Tribunal de grande instance de Paris ordonne à Twitter en sa qualité d’hébergeur de contenus de tiers de lui communiquer les données d’identification qu’elle détenait sur le titulaire du compte depuis lequel était émis les tweets litigieux.

Le 22 juillet 2020, la Cour d’appel de Paris a estimé que le requérant ne justifiait pas de la nécessité « pour l’efficacité de la mesure sollicitée d’agir par surprise ni surtout la raison pour laquelle la mesure n’aurait pas pu être obtenue par une assignation en référé alors qu’elle indique elle même que le litige potentiel ne concerne nullement la société Twitter ».

L’application de cette solution jurisprudentielle en matière d’identification sur internet risque cependant de priver les requérants de leur droit de recours effectif à la Justice.

La Cour d’appel de Paris juge habituellement que : « l’éviction du contradictoire, principe directeur du procès, nécessite que le requérant justifie de manière concrète, les motifs pour lesquels, dans le cas d’espèce, il est impossible de procéder autrement que par surprise ».

Si cette solution s’explique dans les affaires de concurrence déloyale, l’arrêt « Twitter » rendu du 22 juillet 2020 pose de nombreuses problématiques en matière d’identification sur internet, dans lesquelles le recours à une procédure non contradictoire a toujours été adopté comme la solution la plus efficace, en raison des éléments suivants :

  • le requis n’est pas l’adversaire du requérant dans l’hypothèse dans laquelle un litige pourrait découler de l’exécution de l’ordonnance sur requête ;
  • l’exécution de l’ordonnance sur requête afin d’identification auprès de l’hébergeur ou du fournisseur d’accès à internet ne suppose aucune atteinte à l’intégrité du domicile ou du siège social du requis ;
  • le requis est tenu par la loi de détenir et de conserver pendant un an les données d’identification recherchées ;
  • les hébergeurs et fournisseurs d’accès à internet ont l’obligation de transmettre les données d’identification qu’ils détiennent, sous peine de sanction pénale ;
  • la LCEN prévoit le recours à la procédure sur requête dans le cadre de l’article 6-I-8° qui dispose que « l’autorité judiciaire peut prescrire en référé ou sur requête, à toute personne mentionnée au 2 (hébergeur) ou, à défaut, à toute personne mentionnée au 1 (FAI), toutes mesures propres à prévenir un dommage ou à faire cesser un dommage occasionné par le contenu d’un service de communication au public en ligne ».

 

 

Chloé Legris-Dupeux, Avocat au Barreau de Paris, spécialisée en droit pénal sur internet : e-réputation, dénigrement, diffamation, injure, vol de données, intrusion dans des systèmes

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